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Marquage des matériaux une réponse à la recyclabilité ?

Marquage des matériaux : une réponse à la recyclabilité ?

Cet article est extrait du magazine "InsideLabs, la Recherche à l'INSA Rennes". Retrouvez l'intégralité du 1er numéro consacré à la Recherche fondamentale au service du développement durable.

Olivier Guillou et Carole Daiguebonne, enseignants-chercheurs à l’INSA Rennes* ont fondé avec Nicolas Kerbellec, en 2010,la société Olnica autour des propriétés de marqueurs luminescents à base de terres rares. En quelques années, l’entreprise est devenue spécialiste en matière de lutte contre la contrefaçon, les malfaçons ou le vol dans le secteur industriel.


La collaboration entre l’équipe de recherche et l’entreprise prend un nouveau tournant en 2021, lors du lancement de leur laboratoire commun ChemInTag (Chemical Inorganic Taggants).

Deux objectifs sont alors définis :

  • la compréhension des mécanismes qui régissent la luminescence des polymères de coordination à base de terres rares et la recherche de nouveaux systèmes performants ;
  • mais aussi le transfert de technologie et le développement des systèmes les plus prometteurs en vue de leur commercialisation.

L’intégration d’Olnica, il y a quelques mois, au sein du Groupe SOCOMORE, leader dans le domaine de la chimie de spécialité pour l’industrie, donne à cette collaboration de longue date de nouvelles perspectives. C’est aujourd’hui face à la pénurie de matériaux et aux problèmes de recyclabilité que la société Olnica et les chercheurs tentent de répondre au travers de nouvelles applications.
 

*Equipe Chimie du Solide et Matériaux de l’Institut des Sciences Chimiques de Rennes
(ISCR – UMR 6226 - CNRS, Université de Rennes, ENSCR, INSA Rennes)


Questions à

Carole Daiguebonne, Maître de Conférences,
et Olivier Guillou, Professeur des Universités à l’INSA Rennes

Nos travaux de recherche portaient au départ sur la lutte contre la contrefaçon. Aujourd’hui, avec les problèmes de recyclabilité des matériaux, un autre marché se révèle prometteur : le marquage des matériaux. Le même type de marqueur peut en effet être utilisé puisque nos marqueurs ont la spécificité de pouvoir être intégrés dans le matériau brut, pas seulement en étiquette ou en peinture. Le marquage dans la masse, que nous sommes peu à proposer, prend ici tout son sens si l’on souhaite assurer leur recyclabilité.

Nos marqueurs brûlent et se décomposent à 500 C°. Il ne peut donc s’agir que de process industriels en dessous de cette température. Le plastique est par exemple actuellement un immense enjeu tout comme le caoutchouc, le tissu ou encore le papier. Néanmoins, le créneau auquel nous croyons le plus est sans conteste le plastique. En effet, le mélange des différents plastiques entraine une matière recyclée qui a perdu une part de ses propriétés et avec laquelle on réalise des produits à faible valeur ajoutée comme des sacs-poubelles, des tuyaux d’arrosage, du mobilier urbain… L’idée serait de réaliser du recyclage matière beaucoup plus fin afin d’avoir moins de produits à fabriquer.

Pour l’instant, nous ne sommes qu’au début de la prospection, prospection dont nous ne nous chargeons d’ailleurs pas. C’est en effet Olnica qui démarche les entreprises et revient ensuite vers nous avec les problématiques et les retours des clients. Charge à nous de les transformer en une vraie problématique scientifique qu’il faut résoudre et à laquelle nous tâchons de répondre au mieux. C’est tout l’intérêt du laboratoire commun.

L’aspect sociétal de nos travaux est très important, c’est pourquoi nous envisageons de monter une chaire qui viendrait notamment convaincre le grand public de l’intérêt de la recyclabilité. Cette chaire trandisciplinaire pourrait faire appel à des spécialistes juridiques et des aspects sociétaux. Elle viendrait également expliquer aux étudiants l’intérêt de nos travaux pour la société. C’est le lien formation/recherche que nous tentons de développer via le laboratoire commun.


Questions à

Nicolas Kerbellec,
chief operating officer chez Olnica

Le recyclage est un domaine riche et vaste. Ce sera certainement l’un des sujets majeurs du salon mondial de la plasturgie à Düsseldorf en octobre auquel nous participons. En effet, les industriels manquent de matière première et il y a une énorme pression sur l’industrie car si l’on veut pérenniser l’emploi, il faut pouvoir produire et pour pouvoir produire, il faut de la matière. Or, il est essentiel de garantir la qualité de ce que l’on produit. La vérité de demain, c’est de remplacer les matières utilisées par d’autres matières, moins impactantes pour l’environnement et davantage dégradables. Une matière qui sera peut-être réutilisée par un autre industriel qui va, lui, la valoriser.

Un certain nombre d’industriels mettent en place des démarches RSE de recyclage privés afin de diminuer l’impact de leurs industries sur l’environnement. L’objectif est d’installer un process de recyclage nécessitant de pouvoir marquer la matière au départ, la suivre, l’authentifier et enfin garantir que c’est bien cette matière qui est recyclée. Les concentrations de traceurs y sont tellement faibles que cela n’est pas impactant.

Il y a tellement de plastique que le sujet cristallise beaucoup autour de cette matière. L’amélioration de sa recyclabilité en vue de diminuer son impact environnemental et créer de nouvelles matières plastiques est aujourd’hui une nécessité. Quelle que soit la voie que prennent les plastiques (recyclage simple, recyclage de plastique innovant respectant mieux l’environnement, ou intégration dans un procces secondaire de recyclage), il faut pouvoir les différencier et les authentifier.

Je suis en contact avec des syndicats professionnels, forces de diffusion auprès de leurs adhérents. C’est un des éléments clés. Mais il faut parfois du temps car si les syndicats sont des portes faciles à ouvrir, il est parfois plus complexe de faire bouger les industriels. Or, chacun peut, dans son domaine, son métier, créer un système permettant de mettre en place ce recyclage et diminuer son impact sur l’environnement. C’est tout l’enjeu de la traçabilité et de l’utilisation des traceurs. Et c’est nécessaire car il y a urgence.