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Streaming vidéo : comment limiter son impact environnemental

Publié le 14/02/2023

De gauche à droite :
Pierre-Loup Cabarat, Ingénieur de Recherche, principal développeur du logiciel open source openVVC ;
Wassim Hamidouche, Maître de Conférences, HDR, responsable du projet open-source openVVC et de la thématique Codage Vidéo au sein de l’équipe Vaader de l’IETR ;
Daniel Ménard, sous-directeur de l’IETR - responsable du site INSA de l’IETR et responsable de l’axe transversal Systèmes Embarqués au sein de l’équipe Vaader de l’IETR.

 

Plus de 300 millions de tonnes de CO2 par an : c’est ce qu’émet la vidéo en ligne, soit autant que toute l’Espagne, selon le think tank “The Shift Project”. Pis encore, le trafic internet lié à la vidéo a quadruplé au cours des cinq dernières années. Face à cette situation intenable, l’Institut d’Électronique et des Technologies du numéRique1cherche à réduire la consommation d’énergie du streaming vidéo.

Consacrez-vous plus d’une heure par jour au visionnage de vidéo sur votre ordinateur ou votre smartphone ? Sachez que cette activité a un fort impact sur votre empreinte carbone ! « L’usage des vidéos explose, confie Daniel Ménard, sous-directeur de l’IETR en charge du site de l’INSA Rennes, avec l’émergence de nouveaux services, comme la vidéo à la demande (VOD), les sites de partage tels YouTube ou Tik-Tok, et de nouveaux médias augmentant le volume de données d’une vidéo : 4K, 8K, HDR2, HFR3… Or, ces services exploitent des datacenters, des réseaux et des terminaux, très énergivores et émetteurs de CO2. »

À chaque nouveau standard, une réduction de l’énergie consommée

L’IETR travaille justement sur l’optimisation de la consommation d’énergie des systèmes de codage et de transmission de vidéo, souvent en collaboration avec des entreprises rennaises. « En particulier, Wassim Hamidouche, aujourd’hui membre du comité international de standardisation ITU/MPEG4, a développé une expertise sur la normalisation du codage vidéo », précise Daniel Ménard.

Chaque nouveau standard permet de diviser par deux la quantité de données par rapport à la précédente norme, avec la même qualité d’image. Le standard VVC (Versatile Video Coding), publié en juillet 2020, permettra ainsi de réduire la consommation d’énergie de la partie transmission dans les réseaux.
Pour décoder cette norme vidéo VVC, l’équipe VAADER (Video Analysis and Architecture Design for Embedded Resources) de l’IETR, sous l’impulsion de Wassim Hamidouche, a conçu un décodeur logiciel openVVC, accessible à tout utilisateur de smartphone, sans attendre que les futurs processeurs intègrent le décodeur matériel pour visionner un film. Toutefois, optimiser la consommation d’énergie de ce décodeur n’est pas aisé car la complexité du décodage varie fortement au fil du temps.

Réduire la complexité du décodage et de l’encodage

En collaboration avec l’entreprise Interdigital, l’IETR a donc travaillé sur l’encodeur, chargé de compresser le flux vidéo, afin qu’il envoie des métadonnées pour estimer la complexité du décodage. De cette manière, le décodeur utilisera mieux les techniques de réduction de consommation d’énergie, par exemple le contrôle de la fréquence du processeur. « Souvenez-vous, dans les années 1990, les ordinateurs ne chauffaient pas car les fréquences du processeur étaient plus basses, illustre Daniel Ménard. Évidemment, les performances étaient plus faibles. Aujourd’hui, l’objectif est de trouver la fréquence la plus basse pour assurer les performances nécessaires au décodage de chaque image. »
Pour l’encodeur aussi, la complexité bondit : 10 fois plus que le standard précédent HEVC ! L’équipe a donc cherché à la réduire, en diminuant l’espace de recherche des paramètres de codage vidéo à l’aide de technologies d’intelligence artificielle, les moins complexes possibles.

« Le visionnage de 10h de vidéo haute définition utilise davantage de données que l’ensemble des articles en anglais de Wikipédia. »

Aujourd’hui, l’IETR veut définir un modèle énergétique sur l’ensemble de la chaîne de diffusion des vidéos, de la caméra qui filme au smartphone qui visionne, en passant par le datacenter et le réseau. L’idée est d’estimer ce que chaque partie consomme, pour réduire l’empreinte environnementale au global.

« Au-delà des progrès techniques, il conviendrait aussi de changer les comportements, pour que chacun réduise ses usages vidéo, conclut Daniel Ménard. Il est effectivement étonnant d’observer que la quantité de données vidéo qui transitent sur internet ne faiblit pas, alors que les normes successives réduisent les débits. Pour éviter cet effet rebond, la solution sera-t-elle celle d’une prise de conscience sociétale ou d’une action forte du législateur ? Le débat est ouvert ! »


Streaming vidéo durable : un écosystème fertile à Rennes

Les recherches de l’IETR sont généralement réalisées dans le cadre de collaborations étroites avec des industriels de la vidéo, souvent rennais. Les projets suivants ont ainsi permis de mener ces travaux axés sur la consommation d’énergie pour la vidéo, depuis 2017.

  • EFIGI, Efficient Future & new Generation Video Coding, avec Thales SIX GTS, Vitec, ATEME, Ektacom, Eurecom, videoLabs, LabStic, et financé par BPI France et la Région Île-de-France.
  • DEEPTEC, Delivery Over Energy-Efficient Processing and Transcoding in Edge Computing, avec TDF, Aviwest, et financé par la Région Bretagne – FEDER (UE).
  • 3EMS et 3EMS2, Energy Efficient Enhanced Media Streaming, avec Interdigital, ATEME, ENENSYS Technologies, et financé par la Région Bretagne - FEDER (UE).
  • NESTED 5G, New vidEo STandards for Enhanced Delivery, avec ATEME, Orange, Viaccess-Orca, ENENSYS Technologies, et financé par la Région Bretagne – FEDER (UE).
  • TRISTRAM, TRansmission Intelligente et STreaming vidéo Robuste pour les Applications de la Mer, avec Ektacom, IMSolution, et financé par la Région Bretagne – FEDER (UE).

 

1 IETR : UMR 6164 - CNRS, CentraleSupélec, INSA Rennes, Nantes Université, Université de Rennes 1;
2 High Dynamic Range, avec une gamme de couleurs et de luminosité plus étendue.
3 High Frame Rate, augmentant le nombre d’images par secondes.
4 Union Internationale des Télécommunications et Moving Picture Experts Group.
 

Cet article est extrait du magazine "InsideLabs, la Recherche à l'INSA Rennes". Retrouvez l'intégralité du 1er numéro consacré à la Recherche fondamentale au service du développement durable.

 

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