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Maud Marchal : rendre la réalité virtuelle plus « tactile »

Publié le 04/01/2023

Peut-on faire ressentir la pression, la vibration, la température ou la texture dans les univers de réalité virtuelle ?

C’est l’objet des travaux de Maud Marchal, professeure des universités à l’INSA Rennes et chercheuse au laboratoire IRISA (UMR CNRS 6074 - CentraleSupélec, CNRS, ENS Rennes, IMT Atlantique, Inria, INSA Rennes, Université Bretagne Sud, Université de Rennes 1). Elle s’intéresse à la conception de nouvelles interfaces haptiques et aux algorithmes associés pour interagir avec les mondes virtuels.

Originaire de Rennes, Maud Marchal a quitté sa ville pendant huit ans, le temps d’un cursus d’ingénieur, d’une thèse et de deux postdocs. Puis elle est revenue sur ses terres en 2008, pour intégrer l’IRISA et l’INSA Rennes. « L’école a l’avantage de réunir de multiples disciplines, dont la mécanique et l’électronique qui sont indispensables à mes travaux. Pour moi, c’est un écosystème très riche ». Maud Marchal collabore aussi avec des chercheurs en neurosciences, cette fois au niveau international.

La recherche sur les interfaces haptiques et leurs algorithmes s’est renouvelée en profondeur ces dernières années. Jusque-là, elle se focalisait sur les bras à retour d’effort, de coûteux systèmes industriels qui reproduisaient des forces et des couples ; ce qu’on appelle la dimension « kinesthésique » du toucher.

Simuler le toucher, un défi complexe

Puis l’arrivée de casques de réalité virtuelle, contrôleurs de jeux vidéo et autres interfaces accessibles au grand public a démocratisé ce domaine, qui s’est aussi ouvert à l’ensemble du monde professionnel. Ce qui favorise de nouvelles avancées, notamment vers une réalité virtuelle plus « tactile », comme l’explique Maud Marchal : « Il s’agit de stimuler les mécanorécepteurs placés sous la peau, pour simuler la pression, la vibration, la température ou la texture. Mais ces sensations sont très fines, et les mécanorécepteurs sont présents sur tout le corps. Les interfaces haptiques sont donc bien plus complexes à concevoir que celles pour la vue ou l’ouïe. »

Selon l’objectif visé, ces interfaces peuvent prendre la forme d’une bague, d’une veste, d’un support posé au sol qui donnera l’illusion de marcher sur du sable ou sur une surface humide... Grâce à l’impression 3D, Maud Marchal et ses collègues peuvent fabriquer facilement des prototypes pour les évaluer, les améliorer et les soumettre à des tests utilisateurs.

Elle conçoit également les algorithmes associés à ces nouvelles interfaces. « Ils sont très spécifiques. En particulier, si on veut simuler un « vrai » toucher, ils doivent être quatre à vingt fois plus rapides que ceux employés pour le rendu visuel ». La difficulté est encore plus grande si on cherche à saisir et à manipuler virtuellement des objets déformables comme des tissus humains, des fruits ou des vêtements : ils ne sont pas homogènes et leurs propriétés changent selon la façon dont ils sont tenus et sollicités !

Les applications : médecine, robotique industrielle…

Maud Marchal s’intéresse beaucoup à cette simulation d’objets déformables qui ouvre à la réalité virtuelle tactile des débouchés prometteurs. En chirurgie par exemple, elle pourrait aider le praticien novice à s’entraîner à un geste opératoire, ou offrir à son confrère expérimenté la possibilité de comparer plusieurs options avant une intervention risquée. « Ce domaine me parle, confie la chercheuse. J’ai consacré ma thèse à une application médicale et j’avais pensé un moment à la médecine avant de m’orienter vers l’informatique. »

Autre débouché, la robotique industrielle, avec de futurs robots dotés d’un sens du toucher aiguisé. Ils pourraient manipuler avec délicatesse des objets déformables tels que des fruits, des pâtisseries, des câbles électroniques ou des costumes de prix…

  

Exemple d'une nouvelle interface haptique attachée à la main d'un utilisateur immergé en réalité virtuelle afin de recréer la sensation de toucher pour des objets virtuels.
 

Des recherches largement reconnues

Ces travaux sont largement reconnus. Maud Marchal est ainsi depuis 2018 membre junior du prestigieux Institut Universitaire de France. Elle coanime le Groupement de recherche du CNRS Informatique graphique et réalité virtuelle, fort de 500 chercheurs. La chercheuse contribue aussi à l’organisation de grandes conférences internationales.

Son agenda, bien chargé, comprend enfin des cours d’informatique, d’informatique graphique et de réalité virtuelle dispensés aux étudiants de l’INSA Rennes. « J’aime transmettre et j’aime cette activité d’enseignement. Je regrette juste qu’il y ait si peu de filles qui choisissent l’informatique. »

 

Le parcours de Maud Marchal en six dates
  • 2003 : double-diplôme d'ingénieure ENSIMAG (Grenoble) et master de recherche (Université Joseph Fourier, Grenoble)
  • 2006 : docteure en informatique (Université Joseph Fourier, Grenoble)
  • 2008 : maîtresse de conférences à l’INSA Rennes, chercheuse à l’IRISA
  • 2014 : habilitation à diriger des recherches 2018 : membre de l'Institut Universitaire de France (IUF)
  • 2020 : professeure des universités à l'INSA Rennes

 

Ce portrait est extrait du magazine "InsideLabs, la Recherche à l'INSA Rennes". Retrouvez l'intégralité du 1er numéro consacré à la Recherche fondamentale au service du développement durable.

 

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