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Les bonnes recettes de la métallurgie pour les implants médicaux du futur

Publié le 13/07/2023

 
Quelques membres de l'équipe (de gauche à droite) : Philippe Castany, Thibaud Choquet, Hugo Schaal, Thierry Gloriant, Nicolas Jobit, Sandrine Geffroy, Laura Le Breton

 

Malgré leurs atouts, les prothèses en titane sont loin d’être parfaites, avec des risques d’inflammation, d’allergie, voire de nécrose. Pour trouver des alliages mieux acceptés par l’organisme, l’équipe Chimie-Métallurgie (Institut des Sciences Chimique de Rennes, UMR 6226) de Thierry Gloriant, professeur en sciences des matériaux à l’INSA Rennes, étudie, fabrique, caractérise et teste des nouvelles recettes avec de meilleures compatibilités tant biologiques que mécaniques.

Prothèses, vis, plaques, implants dentaires… Les alliages de titane sont largement utilisés pour réparer le corps humain. Parce que l’os adhère spontanément à ce matériau, il a été choisi pour fabriquer des prothèses. Et quand les chirurgiens ont voulu implanter des prothèses de hanche en titane, ils se sont tournés vers des alliages disponibles sur le marché de... l’aéronautique. « Ces alliages, toujours utilisés, ont le défaut de contenir de l’aluminium et du vanadium, considérés comme cytotoxiques, indique Thierry Gloriant. L’aluminium est soupçonné d’être impliqué dans la maladie d’Alzheimer. »


Améliorer la biocompatibilité et la biomécanique


Autre inconvénient : celui de la durée. Une prothèse n’est pas éternelle. Pourquoi ? Parce que l’alliage est beaucoup plus rigide que l’os qui l’accueille1. Résultat : au fil des mouvements, le tissu osseux se résorbe et l’accroche entre la prothèse et l’os disparaît. « Cela signifie qu’un patient porteur d’une prothèse depuis l’âge de 60 ans devra être réopéré 15 ans après, avec les risques que cela comporte à cet âge avancé. »

En vue d’améliorer le matériau utilisé, les recherches de l’équipe Chimie-Métallurgie ont conduit à un alliage de titane de type beta (à rigidité basse) avec du niobium, du tantale et du molybdène.
Des biologistes de la faculté dentaire de Rennes ont testé ce nouvel alliage mis en contact avec des ostéoblastes (cellules osseuses), montrant que l’alliage est parfaitement biocompatible. Il présente en plus une rigidité proche de celle de l’os – 50 GPa – qui assure un continuum entre le matériau et le tissu osseux. Le gage d’une durée allongée de la prothèse ?


Développer des alliages sans nickel


L’équipe Chimie-Métallurgie explore aussi un autre axe : les alliages à mémoire de forme sans nickel. Les stents coronariens, ces petits ressorts qui permettent d’ouvrir les artères quand elles sont bouchées, sont en effet constitués de titane et de nickel. « Cet alliage, le Nitinol, est le seul matériau qui présente les propriétés de superélasticité indispensables aux stents, décrit Thierry Gloriant. Or, l’allergie au nickel est très répandue et empêche certains patients de bénéficier de ces dispositifs médicaux. On trouve aussi ce Nitinol dans les agrafes orthopédiques2 et les limes endodontiques3. »

Face aux risques d’allergie, l’équipe rennaise a trouvé la recette sans nickel, à base de titane, niobium, zirconium et un peu d’étain. « On a déposé un brevet et poussé nos recettes à l’étape industrielle, conçu des agrafes orthopédiques en collaboration avec les PME AMF à Vierzon et Nimesis Technology près de Metz, et encadré une thèse sur le sujet avec Micro-Mega, qui fabrique des limes endodontiques à Besançon, » poursuit Thierry Gloriant.

Aujourd’hui, l’équipe collabore avec SLS France, localisée à Saint-Jacques-de-la-Lande, avec laquelle elle veut créer un laboratoire commun. L’objectif ? Fabriquer des alliages à mémoire de forme par impression 3D en technologie additive de "fusion laser sur lit de poudre". Une solution prometteuse : « Cette technologie est très intéressante pour la chirurgie maxillo-faciale, qui nécessite des dispositifs à géométries complexes, conclut Thierry Gloriant. Déjà, le CHU de Rennes est intéressé. »

 
1 L’alliage de titane actuel a un module d’élasticité de 110 gigapascals, contre 30 GPa pour l’os.
2 Destinées à fixer les fragments osseux.
3 Des mini-fraises pour nettoyer tous les recoins du canal dentaire très sinueux.

 

Cet article est extrait du magazine "InsideLabs, la Recherche à l'INSA Rennes". Retrouvez l'intégralité du 2e numéro "Comment la technologie révolutionne la santé, le bien-être et la qualité de vie ?".

 

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