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BARBE pour Béton d’Argile Revalorisée Banché Environnemental : un béton à faible impact environnemental

Publié le 06/03/2023

En 2020, Jules Gombault, étudiant en Génie Civil et Urbain entame son stage de 4e année à la SCOBAT (22), une coopérative spécialisée dans les travaux de gros œuvre. Objectif ? Réaliser une recherche documentaire et étudier une ressource encore inutilisée dans le secteur du bâtiment : les fines de lavage issues de carrières industrielles. Une 5e année en contrat de professionnalisation plus tard, le 1er mur en BARBE sera monté au siège de la SCOBAT dans 2 semaines et Jules Gombault débute une thèse CIFRE sur le sujet. 

Comment est né ce projet ?

Jules Gombault - Dans la dynamique des nouvelles réglementations mises en place dans la filière de la construction notamment la RE2020, plus restrictive sur l’utilisation de matériaux fort émetteurs en carbone, la SCOBAT a souhaité participer à cette mutation du secteur et s’est intéressée à la problématique du remplacement du béton par de nouveaux matériaux. Ils ont tout d’abord pensé à la terre crue, matériau ancestral, largement utilisé en Bretagne et se sont donc rapprochés des carrières Lessard (22) qui disposent, de par leur activité d’exploitation de la roche, d’un gisement important et constant dans le temps : les fines de lavage de carrière. L’entreprise Lessard exploite des carrières dites de roches massives. Ils viennent dynamiter des pans de roches, en ressortent des gros blocs qu’ils viennent ensuite concassés, broyés ce qui génère énormément de fines, de poussières qu’ils viennent ensuite laver dans un système de cyclonage avec de l’eau. Ce mélange d’éléments fins et d’eau est après épandu dans des bassins. Ces bassins de boue dite plastique, de fines de lavage ne sont ensuite pas du tout exploités et prennent de la place, des surfaces agricoles, inutilement. C’est une problématique récurrente des carrières, partout en France. Le projet est né comme ça, entre la SCOBAT, reconnue pour son savoir-faire dans la mise en œuvre du béton coulé et les carrières Lessard qui disposaient des ressources en matière 1re. 

Comment êtes-vous arrivé sur le projet ?

Jules Gombault - Par l’intermédiaire de Philippe Cardon, Chargé de mission environnement & RSE à la Fédération Française du Bâtiment et de Laurent Molez, maître de conférences à l’INSA Rennes, la SCOBAT et l’entreprise Lessard se sont rapprochées de l’INSA afin d’être accompagnées dans ce projet de recherche. C’est là que j’ai été recruté en tant que stagiaire de 4e année chez SCOBAT pour réaliser une recherche documentaire et étudier la faisabilité du projet. Est-ce qu’on était capable de couler un mur comme on le ferait avec un béton classique mais en y introduisant ces fines de lavage ? 

Laurent Molez – Sur le cahier des charges de la SCOBAT, il y avait également une volonté de préserver les savoir-faire et compétences de ses salariés. Ils savent faire du béton banché classique et l’utilisation de ce nouveau matériau devait permettre de continuer à travailler avec le savoir-faire déjà existant des bancheurs et maçons qui travaillent aujourd’hui dans l’entreprise, sans saut technologique important. 

Jules Gombault - La fin de ma 4e année s’est conclue par le coulage d’un mur prototype taille réelle conçu avec la formulation définie pendant cette année de stage. La faisabilité était démontrée, le BARBE pour Béton d’Argile Revalorisée Banché Environnemental, était né ! J’ai continué ensuite en 5e année, en contrat de professionnalisation, toujours chez SCOBAT, à développer le procédé et donc la formulation.

 
Et maintenant, vous poursuivez vos travaux de recherche en thèse CIFRE toujours chez SCOBAT ?

Jules Gombault - Oui, je viens de débuter une thèse CIFRE avec pour objectif d’optimiser et de poursuivre la caractérisation de la formulation actuelle pour aller le plus loin possible dans l’amélioration du matériau. Pendant 3 ans, je vais pouvoir bénéficier du cadre universitaire et des moyens de recherche de l’INSA Rennes tout en maintenant le lien avec le terrain et ses applications concrètes directement chez SCOBAT. Je vais pouvoir mener des essais avec d’autres types de fines de lavage et ce notamment afin de généraliser le procédé et disposer de connaissances poussées. L’idée est de pouvoir proposer un panel de solutions suivant les projets de construction. 

Laurent Molez - On est sur les mêmes enjeux qu’une thèse classique à savoir faire avancer la recherche, publier, comprendre ce que l’on fait pour pouvoir le transposer et l’adapter mais avec une thèse CIFRE, le travail de recherche se réalise sur un projet industriel. On est certain qu’au bout des 3 ans, on va tout de suite utiliser le fruit de ces recherches. Il y aura une application concrète à moyen terme.

Jules Gombault - Pour aller plus loin, je vais pouvoir également utiliser d’autres terres et plus seulement des fines de lavage mais directement des terres d’excavation de chantier.

Laurent Molez - C’est un enjeu qui revient souvent pour les architectes : pouvoir utiliser la terre directement issue du chantier pour construire avec. Aujourd’hui ça reste compliqué. La qualité de la terre est très variable, il y a des temps de séchage qui ne sont pas compatibles avec les délais inhérents au secteur du bâtiment. Ça peut se faire sur de la maison individuelle en chantier participatif car c’est un type de projet particulier qui n’est pas soumis aux mêmes contraintes de temps que des chantiers liés au collectif ou au tertiaire, par exemple. Côté entreprises, la finalité de cette thèse est de réussir à mettre en œuvre un matériau plus largement et plus facilement.

 

Le 1er mur en BARBE va être coulé au siège de la SCOBAT dans quelques semaines ?

Jules Gombault – C’est un 1er démonstrateur et côté Recherche, on va pouvoir l’instrumenter, on va mettre des capteurs pour avoir un suivi. C’est génial de commencer une thèse avec déjà un prototype en place et des données dès le départ qui nous permettrons d’en apprendre plus sur le matériau. L’avantage de ce matériau, c’est sa grande perméabilité à la vapeur d’eau qui va favoriser les échanges hydriques entre le mur et l’ambiance intérieure de la pièce. Par exemple, lorsqu’on est nombreux dans une pièce, l’humidité peut augmenter ce qui peut amener à une sensation d’inconfort et là le mur va absorber cette humidité. Et inversement lorsqu’il fera plus sec, le mur va relâcher de l’humidité. Sur le matériau que l’on a développé, nous avons réussi a gardé cette caractéristique que l’on retrouve également dans la terre crue contrairement à un béton classique très imperméable.

Laurent Molez - Il est fort probable qu’à la fin de la thèse, il y aura encore des évolutions, on aura certainement encore à travailler. L’enjeu final de dire qu’on est capable d’avoir une technologie qui s’applique à tous les types de matériaux argileux est peut-être ambitieux pour la thèse mais cela va ouvrir d’autres possibilités. Et ce qui est aussi très positif pour nous c’est que la SCOBAT considère Jules comme leur expert. Son contrat CIFRE est signé sur un CDI, ils souhaitent garder au sein de leur entreprise cette expertise-là, cette compétence en Recherche & Développement. »
 

 

 

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